RAPPORT rÛCL DE BARRERE, /3TO SUR L’ARRESTATION DES GENS SUSPECTS. J E viens , au Hiilieu des vi6toires fur nos ennemis exté- rieurs , vous propofer d'en remporter ^ne autre fur nos ennemis de rintérieur. Uariftocratie nous accufe d’injuf- tice , parce que les ariftocrates ne font pas libres d’arrêter nos fuccès. Vous avez voulu fonder une république, vous avez du être d’une févérité inflexible. Vous êtes venus, après deux mille anSj changer des loix defpotiques, vous avez dû être d un courage audacieux : vous avez changé tout-à-coup les ufages , les mœurs , le gouvernement , les habitudes d’une grande nation , vous avez dû calculer les réfiftances pour les vaincre j vous avez aboli pour jamais la fervitude ôc le defpotifme, vous avez dû incarcérer les efclaves ôc les partifans de la tyrannie. Si , le 14 juillet 1789 , quand le plus jufte des incendies confumoit les châteaux de la féodalité , ôc détruifbit la no- blelîè , cette rouille des fociétés politiques ; fi , à cette époque première, mais éludée par la crainte des brigands» les citoyens , les repréfentans du peuple avoient fécondé le mouvement révolutionnaire tous les abus monarchiques ûuroient difparu , ôc les crifes qu’éprouve la liberté , euffent été moins violentes. Si, le 11 juin 1791 , quand la nation unanimement indignée, demandoit la république à une aflemblée conf- tituante , mais monarchique , les repréfentans du peuple euffent été à la hauteur des circonftances , le trône d’un THÉl^BEJUUr UBRARY ^ Z^j4- (* ) roî parjure & fugitif auroit difparu avec fes fuppôts ordi-- naires , les ariftocrates , les prêtres , les nobles èc les fripons. Si 5 le lo août , à jamais célébré , les repréfentans du peuple avoient mis en état d’arreftation tout ce qui tenoit aux caftes privilégiées & dévorantes , & qui pullullent à Tombre du trône , une bienfaifante déportation auroit dé- blayé le fol de la liberté de toùt ce dangereux mobilier du defpotifme , & la convention , au lieu de s’afleoir fur des ruines 3 auroit, dès fes premiers pas, élevé paifiblement la première république du monde. Mais trois fois la république , jetée dans le moule brû- lant de la révolution , a été manquée , a été défeétueufe dans les mains de ces artiftes mal -habiles & corrompus, trois fois la matière eft fortie difforme de fes atteliers. Le 51 mai, fe forgea, au milieu des froiftemens de Toutes les paflions , de tous les inréréts , de tous les complots , une conftitution républicaine , fimple & énergique. Des confpirateurs contre cette arche fainte ont été punis; & la patrie a dû , pour fe fauver, mettre la terreur à Tordre du jour. Le parti de l’étranger & des conjurés domeftiques ont pris alors une marche nouvelle. C’eft en vain que des gé- néraux traîtres , des députés parjures , des fédéraliftes in- corrigibles , étoient traduits devant le tribunal révolution- naire -, Tintrigue redoubloit dans les cités , le faux patrio- tifme triomphoit dans les fociétés populaires , les étrangers étoient par tout , & la trahifon couvroit nos côtes je dirai : Noble , fuspeà ; prêtre , homme de cour , homme de loi , fufpeâs \ banquier . étranger, agioteur connu , citoyen déguifé d état ^ de forme extérieure ^ fufpecls •, homme plaintif de rout ce qui fe fait en révolution , fnfpc^ > homme affligé de nos fuccès à Mawbeuge, à Dunkerque ôc dans la Vendee, /afpea , Oh I la belle loi que celle qui eut déclaré lulpeas tous ceux qui 5 à la nouvelle de la prife de Toulon, nont pas fenti battre leur cœur pour la patrie, & nont pas eu une joie prononcée.^ Que n"a-t-on pu pénétrer ce là dans les fallons dorés , dans ce que la vanité appeUe des hôtels , dans les clubs ariftocratiques , dans les cafés inciviques , dans les groupes falariés , dans les confidences des complices du defpotilme I c’eft là que les comités de furveillance euffent frappé fans erreur , ôc incarcéré fans remords. De telles arreftations n’eulTent pas motivé une nouvelle traduclion de Tacite , qui n écrivoit que contre les tyrans fans révolution , & non contre les républicains révolu- tionnaires *, Tacite , qui ne burinoit les traits hideux de la tyrannie J que lorfque la tyrannie éroit pallee , & non pas lojrfque nous attaquons les vieux amis , les incorrigibles fectaires de la tyrannie. Je fuis bien loin d’attaquer les intentions d’un de nos collègues , dont je connois le patriotifme Ôc les talents , qui ont plufieurs fois fervi la liberté. Ce n’eft pas que nous voulions non plus établir rinfaiN libilité des comités de furveillance ; ils font compofés 4*hommes purs, d’hommes exaltés pour la liberté , d’hommes entourés de pallions étrangères , quand même ils n’auroient pas leurs paÏÏions perfonnelles. Il faut corriger leurs erreurs , réformer leurs abus , punir leurs délits , ôc non pas atténuer leur force nécelîaire , attiédir leur courage utile , ôc dilToudre des élémens fi pénibles à réunir. Mais aufii , il ne faut pas prohiber les manufaétures d’armes ^ parce que des airafiins (e fervent de fufils i ni profcrire l’imprimerie, parce que des calomniateurs en abufent. N’altérons pas, ne perdons pas le mouvement , la vigueur révolutionnaire. I.e moment du repos ou de l’inattention même, eftH'urveillé par les ariftocrates et les ennemis de la République.Jls ont un inftind: fubtil de contre-révolution , qui ne les abandonne pas un inftant. {6) Il entroit dans leur fyftême, de verler lur la convention nationale Todieux des arreftations qu'ils appellent arbitraires, & de frapper le comité de (ûreté générale , qui , comme un autre Curtius ^ s’eft: dévoué à la haine ariftocratique par attachement à la république. Que n’ont-ils pas tenté ? Ils ont égaré un inftant une autorité conftituée , & des. fonétionnaires publics, qui ont oublié que la fenlibilité du républicain eft le premier tribut qu il doit à la patrie déchirée malheureufe. Mais cet effort devint impiiiffant par la volonté du légif- lateur. Aulîî - tôt l’ariftocratie égara des citoyennes ; elle ameuta des femmes avec des pétitions , & mitleur ienfibihté à contribution J pour rendre à la patrie des flots d’ennemis d’autant plus dangereux, qu’ils leroient aigris par la jufte- punition qu’ils éprouvent. Deux fois des citoyennes fe font préfentées à la barre.. Il peut y avoir un petit nombre de réclamations juftes , ou de peines fuffifament infligées. Mais , faut-il pour cela confondre toutes les voix , réunir toutes les réclamations ^ mettre de niveau toutes les fuf- picions 3 Faut-il pour cela que le légiflareur voye ces por- tiques remplis de pétitionnaires ? Eh ? qu’euflênt^elles dit , ces femmes folliciteufes , pour des arreftations momentanées , & qui fe refufent à des facrifices néceflaires à la patrie , fr le préfident de la convention ouvrant devant elles le livre des républiques anciennes , leur eût dit : « la mere des plus patriotes & des plus courageux romains apprend qu’une bataille a été donnée , & que le fort de la république y étoit attaché j elle vole fur les chemins au-devant des cou- riers qui apportoieiit la nouvelle. L’envoyé de l’armée^ en voyant la mere des Gracques qui avoient péri en com- battant, lui dit : Mere, tes trois enfants font morts dans le combat. Eh \ vil efdave^ répond la citoyenne, tai-je demandé Jt mes enfans vivent \ dis-moi que la bataille ejl gagnée , (S* courons au Capitole en rendte grâces aux Dieux, . ^ « La citoyenne de Rome perdoit pour jamais fes enfants, <5